lundi 25 janvier 2010

Bukit Badung, la péninsule du Sud

Sommaire: nous vous entraînons cette fois sur la péninsule méridionale pour y découvrir:

- Taman Budaya Garuda Wisnu Kencana (album), grand projet de parc culturel pour le moment en "stand bye"

- Pura Luhur Ulu Watu (album), important sanctuaire dédié aux esprits de la mer
- Jimbaran et ses restaurants "sea-food" (album), en plein jour cette fois et très très peu de Kuta, la station balnéaire par excellence !

Nous avons passé une semaine à Wena Homestay ; au moment de régler l'addition, une mauvaise surprise nous attend. C'est un fils de la maison qui nous présente la note avec un supplément - non annoncé - de 10% de taxe. Les propriétaires, comme par hasard, ne sont pas là et toute discussion semble vaine : peut-être une petite embrouille du fils pour se faire un peu d'argent de poche ?
Nous quittons donc les lieux, déçus sur le principe (après tout ça ne représente que 4 euros), mais bon ! L'artiste-modeleur travaille à la texture de son Ganesh, en tamisant un sable très noir mais ne manque pas de nous saluer sympathiquement.
Comme Oki doit reprendre l'avion pour Jakarta le soir-même vers 18 heures, nous allons orienter nos visites du jour sur le Sud de l'île, pour être plus près de l'aéroport  Ngurah Rai.

Nous retournons dans la boutique d'objets sculptés repérée la veille, à la sortie d'Ubud. Tuti marchande plusieurs pièces ; les tarifs sont raisonnables alors nous nous laissons aller sur quelques statuettes... de quoi remplir un petit sac de voyage, en prenant soin de bien emballer nos achats.

En cours de route, Oki tient aussi à s'arrêter dans une fabrique réputée, pour acheter des petits pains fourrés au chocolat ou au fromage ; bien entendu, ce sont des Chinois qui tiennent ce genre de commerce et les clients sont nombreux. Pas de magasin, juste un guichet avec une caisse enregistreuse où l'on passe commande. On peut se rendre compte des conditions de travail des employés et d'hygiène du lieu : pas terrible ! mais les produits frais sont bons, alors... Oki commande plusieurs cartons pour rapporter à Jakarta.

Dans un premier temps, nous prenons la direction de Nusa Dua (sur la côte orientale de la péninsule de Bukit Badung que nous avons connu occupée par des villages de pêcheurs maintenant disparus au profit de grands complexes hôteliers type Sheraton, Grand Hyatt, Club Med et consorts) mais nous la quittons bientôt pour celle du Campus Udayana où Oki a un dossier à récupérer.

Enfin, nous arrivons dans un lieu qui nous est inconnu : "Taman Budaya Garuda Wisnu Kencana" (Parc Culturel Garuda Wisnu Kencana). Il s'agit là d'un projet grandiose qui a vu le jour sous le régime de "l'Ordre nouveau" du général Suharto, en 1993, à l'initiative du ministre du tourisme Joop Ave, consistant à construire un parc culturel autour de la plus grande statue du Monde, gigantesque représentation classique du dieu Wisnu chevauchant l'aigle mythique Garuda. Dans l'esprit de son créateur, le sculpteur Nyoman Nuarta, elle était destinée à devenir le symbole visuel non-musulman de l'Indonésie ; mais ce projet a rencontré de vives critiques de la part des Balinais peu enclins à accepter de l’État la création de ce site culturel quand le monde entier vient à Bali pour voir la culture balinaise.


En 2009, la construction de la statue est loin d’être achevée ; les effigies  dissociées de Garuda et Wishnu attirent apparemment peu de touristes sur le parc aux vastes dimensions (230 ha), établi dans le calcaire coralien de Bukit Ungasan, une colline culminant à 200m d'altitude, offrant un beau panorama du Sud de Bali. La crise économico-politique a certainement mis un terme à l'ambition démesurée et peu convainquante du projet... dans l'état actuel des travaux, il est peu probable que l'on puisse voir Wisnu chevaucher Garuda avant très très longtemps.

La visite du parc a tout de même quelques attraits : on peut y voir des plans, des maquettes du projet, quelques artisans, éventuellement des représentations de danses balinaises, mais surtout, les statues de Wisnu (Vishnu) et la tête de Garuda installées séparément sur leurs structures métalliques et le travail incroyable de chaudronnerie sur cuivre de ce qui devrait constituer la plus haute statue du monde.

Les caractéristiques techniques sont effectivement impressionnantes :

- la statue : hauteur 75m / envergure 62m / poids 4000t
                 matériaux cuivre-bronze et acier inaltérable (pour l'armature)
- le socle : plan carré de 100m x 100m / hauteur 78,64m pour 10 étages
               (avec galleries d'art, salles d'exposition, de réunion, de spectacles, 
                de visionnement, restaurant et terrasse panoramiques, etc, etc...)
- un parc de loisirs

On a vu grand pour le parking mais les visiteurs sont rares ; l'accès au parc lui s'effectue par des tourniquets comme dans le métro. Notre visite commence par les bâtiments contenant ébauches, plans, maquettes, historique du projet. Beaucoup de salles vides ! Un sculpteur sur bois et un bijoutier montrent leur savoir-faire aux rares visiteurs dont nous sommes. Nous gagnons ensuite l'esplanade la plus haute du domaine où Wisnu (dont la mission est de préserver l'ordre du monde) se dresse, majestueux mais manchot - dans la mythologie hindouiste indienne il est muni de quatre bras au minimum... Il est rare qu'un dieu de la religion hindoue n'ait que deux bras, mais peut-être qu'à Bali dans "l'agama hindu darhma", il en va différemment ?


Plus bas, sur une autre esplanade la partie supérieure de la monture sacrée du Dieu protecteur, elle sans ailes ; nous descendons pour voir de plus près les détails de l'aigle de bronze, Garuda. Les dimensions du parc sont telles qu'on a l'impression d'être les seuls visiteurs ce jour-là !
Nous descendons d'esplanade en esplanade, traversant quelques tranchées profondes, creusées dans le calcaire coralien, à la recherche d'un peu d'ombre ; un mémorial du souvenir dédié aux victimes des attentats terroristes se dresse ici, oeuvre en bronze du même artiste, Nyoman Nuarta.

Sur la dernière terrasse, les deux membres égarés du dieu Wisnu pointent l'index pour la main droite, l'index et le majeur pour la main gauche, vers le ciel comme une menace ou une recommandation (excusez-moi, je ne connais pas la symbolique de ces gestes dans l'Hindouisme ... si vous savez, vos commentaires seront les bienvenus). Quant aux dimensions elles ont sensiblement dans les mêmes proportions que celles de Ann Darrow dans les mains de King-Kong.
Pour sortir, nous traversons les boutiques à souvenirs, claires et aérées (on est loin des "pasar" traditionnels) qui présentent des objets classiques ou originaux, à des tarifs touristiques ; à l'extérieur, un "barong" se repose à l'ombre, attendant une hypothétique représentation et une statue de Garuda Wisnu Kencana de taille raisonnable, se pare d'une peinture vert-de-gris et or.

Dès la sortie, nous cherchons la direction de Pura Luhur Ulu Watu. Un panneau indique "Dreamland" au niveau de Pecatu Indah. Je ne connais absolument pas de quoi il s'agit et Oki se charge de m'éclairer sur le sujet : encore d'un vaste projet immobilier qui a débuté sous le régime Suharto dont la famille s'était rendu propriétaire de plusieurs centaines d'hectares de garrigue (et oui, "on dirait le Sud", le sol est aride, l'eau y est rare et la végétation broussailleuse) pour y construire hôtel, immeubles résidentiels, villas et comme il se doit, un golf avide en eau. De la route, nous ne voyons que les grands portails du domaine qu'il faut traverser pour arriver à proximité de Dreamland (Lemongkak, autrefois plage privilégiée des surfeurs en mal de sensations fortes, loin des rouleaux trop fréquentés de Kuta)...ce n'est pas ce que nous recherchons à Bali et nous passons notre chemin.

A l'ouest de la péninsule, le temple très important  d'Ulu Watu  occupe une position unique géographiquement parlant : juché sur la pointe avancée d'une falaise qui plonge abruptement dans l'écume permanente de l'Océan Indien soixante-dix mètres en-dessous, il est naturellement dédié aux esprits de la mer. Fondé au XIème siècle par un brahmane javanais, Empu Kuturan, à l'origine du système des castes, puis dernier sanctuaire de Nirartha (fondateur entre autre de Pura Tanah Lot), il mérite que l'on s'y rende rien que pour contempler le panorama .

On ne peut plus pénétrer dans la partie extrême du sanctuaire - ce qui prive le visiteur du meilleur point de vue (comme par exemple les tortues de mer que nous avions vues en 1976) mais préserve le recueillement des hindous et le patrimoine sculptural - mais on peut se promener de part et d'autre de l'édifice, sur les sentiers aménagés (et maintenant sécurisés) pour se remplir les yeux sur fond de grondement permanent des vagues se brisant au pied de la falaise et à condition de ne pas craindre la forte chaleur qui règne sur le site.

Attention ! le temple est habité par des familles de macaques gris qui ne manquent pas de vous chiper ce que vous tenez à la main si vous leur en laissez l'occasion ; on trouve d'ailleurs à l'entrée, deux ou trois marchands de bananes et de cacahuètes dans le but de distraire (et nourrir) ces bandes d'agiles petits voleurs pour les détourner de leurs intentions indélicates. Il est aussi très amusant de voir toutes les attentions et la tendresse qu'expriment ces singes dans leur cercle familial. Mais une fois encore, il faut rester sur ses gardes pour ne pas voir ses lunettes de soleil ou son appareil photo prestement disparaître dans une cache inaccessible. Je me souviens de ma fille, alors âgée de cinq ans, inconsolable après qu'un de ces macaques lui ait piqué son paquet de pop-corn pour s'en régaler sur le faîte d'un mur, devant nos yeux ébahis ! 
Il est 14h, le soleil est de plomb ; avant de reprendre la voiture, nous nous posons un moment à l'ombre, observant un groupe de lycéens indonésiens en visite qui ne peuvent s'empêcher de lancer quelques vannes à l'encontre d'un petit groupe de Coréennes très pimpantes, protégeant leur teint de cire sous le couvert de leurs ombrelles délicates... D'autres touristes munis de sachets de "kacang" (cacahuètes) se voient entourés par quelques macaques facétieux et gourmands.

Comme nous n'avons pas encore mangé, nous choisissons de retourner à Jimbaran, essayer le restaurant voisin de celui où Oki nous avait invités le soir de son arrivée. En début d'après-midi, nous sommes les seuls clients, mais les barbecues sont  en veilleuse et le personnel répond présent. Nous voyons mieux ce que nous commandons : gambas,  calamars et palourdes farcies pour accompagner le riz blanc, un peu de "kangkung" (liserons d'eau) en verdure le tout arrosé de "teh" (thé).
Nous avons l'embarras du choix pour l'emplacement : sur la plage, sous un parasol. Le repas se fait attendre malgré l'absence de clients ; il faut dire qu'il est quinze heures passées et que c'est plus l'heure de la sieste que celle du repas ! Très peu d'amateurs de bronzage (le soleil est trop brûlant à cette heure-là) à part deux couples homos : deux Japonaises (l'une très fine, l'autre genre "sumo"), et deux "bulé" (occidentaux).

Les plats arrivent : l'avantage, c'est que l'aspect visuel en plein jour ajoute à la saveur des  spécialités délicieuses, accompagnées de "sambal"  (sauces au piment) très relevés. Comme on s'attarde un peu dans ce cadre reposant, la serveuse nous apporte avec grace  l'addition tout en nous faisant comprendre que nous lui faisons faire du rab (non rémunéré !). Nous réglons la note en nous excusant et prenons la direction de Kuta, de l'autre côté de l'aéroport par rapport à Jimbaran.

Kuta ! C'est sans doute la localité qui a le plus changé en 33 ans : carrément méconnaissable ! Comment dire sans vouloir offenser personne... une enclave ou une annexe australienne, une station balnéaire comme tant d'autres ! Certes, la plage de sable pas noir qui s'étire sur 7 km est toujours superbe mais ce qui me gêne ce sont les supermarchés, les hôtels, les restaurants, les boutiques de mode, de bijoux, d'artisanat qui ont envahi ses abords : comme une overdose commerciale. 

En 1976 (nostalgie quand tu nous tiens !), il n'y avait que quelques hôtels et "losmen" (gîtes) assez sommaires, une route défoncée qui menait à la plage sous couvert des cocotiers, quelques restos et boutiques. Les routards y trouvaient leur bonheur bon marché. On pouvait même assister à des combats de coqs sur la plage et se désaltérer de jus de coco frais. Depuis, les anciens hippies se sont mis aux affaires, suivis par les riches investisseurs javanais ; en octobre 2002, l'attentat à la voiture piégée contre le Sari Club visait précisément les touristes et les intérêts occidentaux causant une grande majorité de victimes australiennes.
La faune locale n'inspire guère la confiance ; les mafias locales semblent avoir pignon sur rue. Je vous raconte.
Nous venons de garer la voiture dans le parking couvert d'un supermarché qui possède une ouverture sur la plage. Oki est parti se changer pour rentrer à Jakarta. Tuti et moi nous dirigeons vers la plage brûlante, dépassant deux gars assis sur le bord du trottoir. A peine sommes-nous passés que l'un d'eux crache dans notre dos de manière peu discrète ; je me retourne, il est clair que lui et son copain se foutent de moi. Nous allons un peu plus loin. Tuti s'occupe à envoyer des sms. J'observe le va-et-vient des touristes. Un type, cheveux plaqués par du gel, en costard blanc comme dans les films de gangsters chinois grimpe quatre à quatre les marches du grand escalier du supermarché. Oki tarde un peu ; quand il finit par nous rejoindre, les deux types de tout à l'heure s'avancent vers nous, devant, le plus costaud tous tatouages dehors, suivi comme son ombre par son collègue. Ils n'ont rien de sympathique (doux euphémisme)... mais bon, rien ne se passe quand nous les croisons (tant mieux)! Il n'empêche que Tuti et moi avons ressenti la chose : être passés tout près de l'invective, de la provocation gratuite... impression aussi bizarre que perturbante ! Nous quittons cette atmosphère d'agressivité sans plus tarder ; bien nous a pris de ne pas chercher à nous loger à Kuta, comme avions l'habitude de faire quand nous venions à Bali avec nos enfants.

Nous déposons Oki à l'aéroport avec deux heures d'avance, à sa demande. Cela nous permettra de profiter de la fin de journée pour trouver le chemin de la maison d'une amie de Tuti qui habite au Nord de Denpasar, avant la tombée de la nuit ; les directions étant si mal indiquées et la circulation  tellement encombrée que je navigue un peu au hasard, m'arrêtant à plusieurs reprises pour me repérer sur la carte. La nuit tombe vite et nous sommes obligés de demander notre route : nous passons trois fois devant l'entrée du "gang" (ruelle) recherché avant de le voir et finir par y pénétrer. Heureusement, les portables fontionnent parfaitement et Anak Ayu, la copine, peut nous guider jusqu'à son domicile.
Elle nous attend devant son portail et s'excuse de nous accueillir dans sa modeste maison ; je n'ai pas du tout l'impression qu'elle soit si modeste que ça. Nous entrons comme il se doit dans le "ruang tamu" (salon) qui en fait sont deux, richement meublés. Un peu plus loin, c'est la "ruang makan" (salle à manger) occupée par une table en bois extraordinairement massive (il doit falloir une demi-douzaine de costauds pour la déplacer !) avec les chaises assorties. Anak Ayu nous invite à déposer nos bagages dans notre chambre avec salle de bain attenante. Il fait très chaud : vive la douche-casserole !

Pour nous souhaiter la bienvenue, Anak Ayu nous invite à aller manger dans un resto de poissons tandis que son mari reste à la maison après une dure journée de labeur.
Le restaurant se trouve de l'autre côté de la ville ; nous sommes les seuls clients ; le décor est plaisant, le serveur aux petits soins, la musique d'ambiance couleur locale, les plats excellents et le jus de "jeruk" (petite orange) désaltérant.

Au retour, nous passons au "Bali Post" (le quotidien de Bali) pour rencontrer un camarade de lycée (SMA Saraswati) des deux copines qui, ce jour-là, pas de chance, est en congé. Nous reviendrons ! 
Sur le chemin du retour les deux filles ne cessent d'évoquer leur jeunesse de lycéennes, se remémorant le nom des profs et de leurs autres camarades de classe, et les inoubliables bêtises de potaches... c'était il y a quelques années

2 commentaires:

  1. Hi! Apa Kabar? Kabar baik?
    Passionnant! Bien sûr, j'aimerais retourner là-bas, moi aussi, mais comme vous je pense que le changement me ferait mal, voire très mal! (...)Je verrai lorsque je serai à mon tour "pensionnée" (...)
    Grosses bises, et encore merci de nous faire voyager... Je garde le blog et je vais me munir d'une carte détaillée de l'Indonésie, et Bali, pour mieux suivre vos périples!
    Selamat Jalan ... Quelques mots restent gravés dans ma mémoire.
    Annie C.

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  2. je me souviens que lors de la visite du temple j'avais enlevé sur les conseils du guide mes boucles d'oreilles.Les singes étaient vraiment tout puissants dans ce sanctuaire.C'était leur domaine.

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