samedi 9 janvier 2010

Advienne que "Pura" ou la tournée des grands temples

Préambule : suivant le conseil avisé de mon ami JaK - expert en la matière - d'annoncer "la couleur" dès le début de l'article, le titre "la tournée des grands temples" signifie donc en clair qu'il sera question dans ce chapitre de la visite de trois lieux hautement touristiques (Pura Taman Ayun, Pura Ulun Danu Bratan, Pura Tanah Lot), d'un autre beaucoup moins couru (Pura Luhur Batukau), de l'incontournable parcours dans les rizières (Pemandangan sawah) dont je ne me lasse pas et, par conséquent, cinq albums personnels en lien. Pour le texte, je continuerai de faire le compte rendu du déroulement de la journée ... pour les visiteurs qui ont le temps de lire.

NB : cliquez sur (album) après Pura Ulun Danu Bratan et Pura Tanah Lot pour accéder aux photos correspondantes, autrement le lien ne s'effectue pas (une bizarrerie de l'informatique !) 



Nous quittons Ubud par les petites routes de campagne pour rejoindre Mengwi et son très beau temple - le préféré de Tuti - principal sanctuaire d'un ancien royaume local déchu de sa grandeur par ses voisins à la fin du XIXème siècle. Sans GPS, l'imprécision de notre carte et le manque de panneaux de signalisation nous conduisent à parcourir quelques kilomètres inutiles ; quand nous atteignons notre but, j'ai du mal à reconnaître l'endroit. De vastes parkings sont maintenant aménagés à proximité du temple et les "warung" sagement alignés de l'autre côté de la route. Incontestablement, de gros efforts ont été consentis dans les domaines de l'accueil des visiteurs et surtout de la propreté aux abords des sites touristiques. 
Nous nous garons aisément et passons au guichet ; le parterre spacieux et  engazonné de la cour extérieure est parfaitement entretenu. A droite le vaste "wantilan" (arène pour combats de coqs) récemment rafraîchi offre aux visiteurs la vue intérieure de sa charpente complexe soutenant son immense toit à quatre pans et à couverture végétale en "alang-alang" (paillote, Imperata cylindrica).

Aprés avoir franchi le "candi bentar" (porche d'entrée) nous voilà sur la première terrasse ; nous prenons à gauche en direction du "bale kulkul" (tour de la cloche) et entreprenons d'en gravir les marches étroites et usées. Tout en haut, deux cylindres de bois, plus ou moins évider pour mieux résonner, sont suspendus à la charpente ; ils rythment les temps forts de certaines cérémonies et servent d'alerte sonore pour la population alentours en cas de danger. La position élevée offre un panorama qui donne une idée du domaine du deuxième temple le plus étendu de Bali. Nous redescendons prudemment.

Il y a bien quelques touristes mais l'espace à visiter est suffisamment vaste pour une promenade autour de l'enceinte du sanctuaire, en toute tranquillité. On pourrait se croire sur une île, ce qui confère à l'endroit une ambiance paisible, unique. La flore aquatique, essentiellement constituée de nénuphars et de lotus roses et blancs, s'épanouit gracieusement dans ces sortes de douves, alors que de petits gazebos posés çà et là dans le parc - où il fait bon flâner - encouragent à la halte contemplative. Les sentiers ombragés du "taman" (jardin) invitent à la découverte de diverses espèces botaniques.


La promenade nous fait revenir par le côté Nord-Ouest du temple avec la vue sur l'enfilade de pagodes, aérées et aériennes, posées sur la deuxième plate-forme bordée d'un fossé en eau où s'épanouissent les lotus sacrés. Pura Taman Ayun (album)  (temple dans un beau jardin), révèle toute la richesse de l'architecture balinaise : plusieurs toits superposés appelés "Atap Meru" (le mythique mont Meru dans l'Himalaya accueille les dieux de l'Hindouisme), toujours en nombre impair, les socles des différents pavillons  abondamment ornés de sculptures, les hauts portails ouverts de brique et de pierre gardés par les statues des personnages légendaires de "Agama  Hindu Bali". Ce temple, bâti en 1634 par le roi de Mengwi (Cokorda Munggu), rénové en 1937, figure dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. 
Le nombre des toits de chaume noir varie de trois à onze ; ici, les trois plus élevés honorent les principaux volcans de l'île : Agung, Batur et Batukau. L'espace qui contient une dizaine de pagodes et dix-sept autres "bale" destinés à des rituels religieux particuliers, n'est accessible au public que lors d'importantes cérémonies comme "upacara odalan" (fête du temple).  Les descendants de la dynastie de Mengwi célèbrent régulièrement l'âme de leurs ancêtres dans ce temple d'Etat  familial qu'ils entretiennent.
On pouvait, il y a une trentaine d'années, circuler librement dans cette cours intérieure pour en admirer les moindres détails ; aujourd'hui, devant le flot incessant de touristes venus du monde entier, ces trésors d'architecture et de sculpture sont préservés de la désinvolture souvent irrespectueuse des visiteurs. On doit se contenter de le contempler tel un bijou dans son écrin.


Après cette visite genre "guide touristique", revenons à des considérations plus terrestres. Une envie de "kelapa muda"  (noix de coco jeune et fraîche) me saisit ; il suffit de traverser la rue à la sortie du temple pour étancher cette soif gourmande. Deux marchandes me proposent une noix à 10000 Rp et une 3ème propose 8000 Rp. Non seulement elle casse les prix mais elle trépane sans coup férir, d'un coup de "parang" (machette) précis  la noix  choisie. Je m'installe à la table de son warung et commence à déguster, à l'aide d'une paille, l'eau à peine sucrée et rafraîchissante contenue dans la coque (à ne pas confondre avec le lait de coco). Cette réserve de liquide nutritif n'en finit pas ; la marchande me propose de vider le reste dans un verre et de fendre la noix en deux afin que je puisse en déguster la tendre pulpe blanche et gélatineuse qui recouvre la paroi ... simple et délicieux ! Je ne viendrai pas à bout du liquide, largement un litre ; Tuti et Oki n'étant pas tentés ne me sont d'aucun secours : un "Teh Botol" glacé les contente.

L'Indonésie est le premier pays producteur de noix de coco ; elle est très utilisée dans la cuisine locale, mais pas seulement puisque du cocotier sont utilisés : les palmes en couverture végétale, le tronc pour la construction, ainsi que la fibre de coco et le copra pour l'huile, jusqu'à la coque qui sert aussi de combustible.


Désaltérés, nous partons pour Bedugul dans la direction de Singaraja, la grande ville du Nord. Le centre de Bali étant peuplé de volcans, la route grimpe en permanence ; elle n'est pas trés large, virageuse et, qui plus est, en travaux. La circulation est dense sur cet itinéraire de liaison Sud-Nord de l'île. Un petit camion surchargé de bonbonnes d'eau se traîne ce qui occasionne des dépassements sans visibilité dans les  courbes les plus serrées ; le plus surprenant, c'est qu'aucun accident ne se produit malgré les situations plus qu'épineuses du trafic routier : les dieux balinais sont vraiment bienveillants (!!!)
En arrivant dans le village de Candikuning, après Bedugul, la présence d'une mosquée avec l'appel à la prière semble "décallée" dans ce paysage lacustre et montagneux. La région du Nord de l'île ainsi que celle de l'Ouest font voisinner l'Hindouisme et l'Islam plus qu'ailleurs.


Autocars, minibus, quatre-quatre et autres véhicules de location voisinent également en abondance sur le parking empierré qui donne droit à l'accès au sanctuaire. Le Pura Ulun Danu Bratan(album) a la particularité d'être en partie construit sur deux îlots et de constituer un lieu touristique parmi les plus photogéniques de Bali. On accède au bord du lac de cratère Bratan par un grand portail et en traversant un jardin impeccable ; la vue sur les tours du temple à "meru" à onze et trois toits flottant sur l'eau semble irréelle. Le mysticisme du site est accentué par la présence des brumes de montagne (le lac est à 1200m d'altitude) qui  plongent les sommets environnants dans un voile de mystère.


On remarque aussi, sur la gauche, la présence d'un stupa abritant des sculptures de Bouddha dans des niches en haut de l'escalier périphérique ; c'est l'endoit le plus tranquille car, pour le reste, des centaines de touristes de tous pays s'adonnent aux joies de la photo numérique au bord du lac, prenant la pose qui immortalisera leur passage dans ce  cadre magique.
Quelques pirogues à balancier sont amarées, destinées à la location, pour les curieux qui souhaitent contempler le Pura Ulun Danu Bratan sous un autre angle et une autre lumière. Trente-trois ans auparavant, nous n'étions que Tuti et moi à profiter de ce lieu enchanteur!


Le temple hindouiste, de la même époque que celui de Taman Ayun (XVIIème siècle), est dédié à la déesse du lac "Ida Dewi Batari Ulun Danu" ; les paysans la vénèrent régulièrement lors de pélerinages et de cérémonies d'offrandes : c’est elle qui possède le rôle de régulatrice de l’écoulement de l’eau pour tous les réseaux d’irrigation du sud-ouest de Bali.
Les autres "balé" installés sur la berge sont pour la plupart dotés de sculptures  récentes ou repeints à neuf. Il reste toutefois une partie enclose, comme dans tous les temples, interdite au public.



Comme nous achevons la visite de ce lieu hindou-bouddhiste, un rayon de soleil a la bonne idée de percer la couverture nuageuse ... je ne résiste pas à revenir sur mes pas pour sacrifier à la numérisation des "meru" momentanément sous les projecteurs solaires, on ne peut plus naturels, sur fond de nuages gris et menaçants.



Après l'étude de notre carte routière, nous décidons de rallier un autre temple sacré en suivant un itinéraire hasardeux dans un "pemandangan sawah" (album). Malheureusement la couverture nuageuse nous empêche de pouvoir embrasser du regard tout le Sud de l'île. Au début, bien qu'étroite, la chaussée est très correcte ; les rizières en terrasse, à perte de vue, sont en pleine culture et le padi vert et abonnant très haut ... hélas, pas le moindre reflet du ciel dans ces milliers de miroirs potentiels ! Le paysage entre Senganan et Jatiluwih doit être magnifique avec les cultures en eau. D'ailleurs, les autorités locales exploitent de la beauté du site avec la présence d'un péage routier, uniquement pour les "bule" ; cette mane financière ne suffit cependant pas pour permettre de recouvrir la route d'une couche l'asphalte qui ne signale plus sa présence que par intermittence. 
 
Faute de panneaux indicateurs, nous navigons un peu "au feeling"; nous découvrons la campagne balinaise profonde, peuplée de paysans laborieux vivant dans des maisons  rudimentaires, sans superflu et quelques "kandang sapi"(étables). Ne sachant si nous suivons le bon chemin, nous interrogeons un passant qui nous indique que nous sommes sur la bonne voie, à une distance d'environ trois kilomètres de notre but.


Le temps nous tarde de retrouver un revêtement routier un peu plus stable et moins éprouvant pour les amortisseurs de la Karimun qui n'a rien d'un quatre-quatre. En fait de trois kilomètres, nous parcourons au moins le triple de la distance indiquée , dans un dédale de petites routes défoncées. Mais finalement nous atteignons, au bout d'une longue montée en ligne droite, après un petit village et au bout d'une voie sans issue, le Pura Luhur Batukau (album).

Ce temple constitue un des six "Sad-Kahyangan" (temples axiaux) de Bali : il représente l'Ouest et serait le plus vieux temple de Bali, dédié à sa construction au XIème siècle au roi de Tabanan. Bien que détruit en 1604, les fidèles l'ont toujours fréquenté jusqu'à sa reconstruction en 1959. Situé à l'orée de la forêt tropicale humide, à une altitude d'environ 800m sur le flanc Sud du Gunung Batukau (2271m), il nous fait plonger dans un cadre bien différent des "pura" déjà visités et dans une athmosphère mystérieuse. 


Déjà, son accès relativement inconfortable le met à l'écart des hordes de visiteurs étrangers. L'architecture classique est constituée de deux "balé" qui s'étirent en longueur et de pagodes à "meru" dont la plus haute, constituée de sept toits de chaume très noir est dédié à Mahadewa, esprit gardien de la montagne ; par contre la forêt et l'humidité lui confère une ambiance de grand recueillement. La végétation tropicale est omniprésente et l'on se sent en parfaite communion avec la nature, si chère aux Balinais. La cime des arbres semble se perdre dans les nuages tout proches et les oiseaux aux chants mélodieux n'ont aucune difficulté pour se dissimuler dans cette végétation exubérante.


Vêtus de notre sarong tenu par une ceinture de tissu nouée autour de la taille, nous grimpons le grand escalier couvert de mousse  en découvrant une flore luxuriante à côté de laquelle nos plantes vertes en pot ont l'air bien ridicules ; au retour nous passons une grille métallique ouverte qui nous permet de découvrir un petit bassin alimenté par trois fontaines à tête de dragon, dans lequel une famille prie en présence d'un "pemangku" (prête gardien du temple). Un peu plus loin, sur la surface d'un grand bassin avec une petite île symbolisant le Mahameru, les premières gouttes de pluie commencent à faire des ronds dans l'eau ; pas de doute, la fréquence des précipitations sur ce secteur est une certitude à la vue de la végétation tropicale si dense et la couverture moussue des pierres et des constructions. Nous quittons le temple sacré avant d'être trempés, direction le Sud. 

Sur la route qui descend tout le long, la circulation s'intensifie au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Tabanan, capitale régionale connue pour son centre de danse et de gamelan traditionnel mais aussi pour son environnement de splendides rizières, les plus riches de Bali. Notre but est tout autre : Pura Tanah Lot (album) au couché de soleil.

Incontournable "obyek wisata" des voyagistes, ce parfait paysage de carte postale consiste en un modeste temple formé de trois petites tours dont deux à "meru" perché sur un promontoir rocheux bousculé par les vagues et séparé à marée haute du littoral. Que reste-il de l'authenticité du site ? La route qui y mène est parfaitement carrossable, les échoppes des marchands du temple  (qui ont même prévu le distributeur de billets) ont envahi les abords avant même que l'on aperçoive l'océan, les parkings aménagés P1, P2, P3... remplacent les rizières avant la côte, plusieurs sentiers aménagés traversent des jardins au bord de la falaise avec les bancs propices aux poses photographiques, avec en arrière-plan soit l'Océan Indien, plein Ouest,  soit un complexe hôtelier (dont le luxueux Méridien Nirwana et son golf 18 trous surplombant Tanah Lot sans le moindre remords ...) bref, un lieu à éviter si l'on veut apprécier sereinement ce décor magnifique et encore plus si l'on est en quête de spiritualité !
Pourtant, pour les Balinais, le Pura reste un temple de la mer très important et vénéré, même si son socle rocheux a été entièrement reconstruit dans les années 80 parce qu'il menaçait de s'effondrer. Ils sont d'ailleurs les seuls (en principe) à pouvoir accéder au promontoir sacré.
A l'heure où nous arrivons, trouver une place devient délicat ; le soleil transparaît derrière un rideau de nuages gris et la foule des touristes est à son comble. Nous garons la Karimun tout près d'un autre petit  "pura" dominant les embruns qui viennent écumer le "Batu Bolong" (rocher percé) sur lequel il est perché.

Le site n'est pas mal non plus, mais beaucoup moins fréquenté que Tanah Lot à proprement parlé ! Il est d'ailleurs assez dangereux de s'aventurer sous le temple, d'énormes vagues viennent se fracasser en jaillissant en gerbes très hautes. Tuti, très prudente, reste en retrait , d'autant plus qu'aucune barrière ne sécurise le surplomb rocheux. Des étudiants que je suppose irianais, se font même cueillir par l'écume d'une vague plus haute que les autres et en ressortent trempés mais hilares.
Nous allons nous joindre à la foule de visiteurs, tous en quête d'un photographe occasionnel pour se faire tirer le portrait pour une carte postale "personnalisée" mais prêts, bien sûr, à vous rendre la pareille avec votre appareil...nous nous prêtons au jeu !


La construction de Tanah Lot (banque de photos) - un peu dégoûté je me suis abstenu d'en faire - daterait du XVIème siècle pour rendre hommage aux esprits de la mer ; la marée trop haute et les vagues trop puissantes rendent impossible une visite de courtoisie aux serpents sacrés qui gardent le temple à l'abri des anfractuosités du rocher. C'est sans doute pour pallier cette lacune à la visite qu'un très long Python réticulé (4 à 5m) étire  paresseusement ses écailles festonnées sur le gazon, en toute liberté.

Nous ne nous attardons pas dans ce piège à touristes, le coucher de soleil étant un peu défaillant malgré l'horizon cuivré et le grondement de la houle perturbé par le flot de paroles multilingue. Retour vers Denpasar dans des embouteillages monstres : "malam minggu" (samedi soir), c'est la fièvre !


Les véhicules arrivent de toute part, et spécialement les deux roues motorisées qui zigzaguent entre les voitures, à gauche, à droite, par-dessus, par-dessous  (j'exagère à peine), envahissant les rues et les places, partout où l'on trouve des "kaki-lima". Nous trouvons le restaurant chinois "Mie 88" dans lequel nous avions pris l'habitude, lors de nos précédents voyages, d'apprécier des plats délicieux et copieux à un prix raisonnable ; quelle déception devant des assiettes riquiqui et moyennement appétissantes ! Au moment de payer la note, une fois n'est pas coutume, Tuti se fait rouler de 12000 Rp, sans preuve (pas de note et calculette faussée ou habilement manipulée) . Le vieux chinois, propriétaire des lieux, qui lisait toujours son journal à une table du restaurant, n'est plus là pour surveiller la bonne marche de son affaire ... déçus, nous jurons de ne plus remettre les pieds dans cet établissement, c'est dit !

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