mardi 22 septembre 2009

Sahabat sejati (les amies de toujours)

Cet article n'apportera pas grand chose en termes de connaissances sur l'Indonésie : je l'écris plus comme un témoignage sur l'amitié qui perdure malgré l'éloignement et les années qui passent...un brin nostalgique.

Cette nuit, les moustiques se sont régalés, les chevilles me démangent. Levé à 6h30 (ce qui s'assimile à une "grasse matinée" pour les Indonésiens) me voilà assis devant un "nasi wuduk" (riz au lait de coco), loin d'être léger pour un petit déjeuner, surtout quand on se sent patraque : les effets du décalage horaire, le manque de sommeil, la chaleur, les nombreux déplacements dans Jakarta embouteillée, le changement d'alimentation ... une accumulation de causes à cet état de fatigue.
Au programme de ce jour, rendez-vous chez Atie, une autre amie de Tuti. Elle habite dans un quartier très central (Menteng). La course en taxi est rapide à 10 h du matin ; un garde en uniforme nous ouvre le portail et s'informe du pourquoi de notre venue afin d'en avertir la propriétaire des lieux. Celle-ci vient nous accueillir aussitôt en compagnie d'Ina. Nous pénétrons dans la maison dont l'aménagement témoigne d'une certaine aisance.
Atie nous fait servir un coca glacé et quelques "kerupuk" (beignets aux poissons ou aux crevettes) rapportés de Palembang (grande ville sur l'île de Sumatra) et d'autres spécialités sucrées ou salées à grignoter, mais vraiment je ne me sens pas capable d'avaler ces bricoles pourtant appétissantes. Voyant mon "inappétence", Atie me propose un café que j'accepte volontiers pensant que ça me redonnera un "coup de fouet" salutaire. En fait de café, il s'agit d'une cannette de Nescafé au lait glacé, incapable de me redonner le bien-être attendu ... par politesse, j'en bois la moitié !
Pendant que je lutte contre cette fatigue passagère, les trois copines conversent, bavardent, jacassent, rigolent, se moquent en évoquant leurs souvenirs communs de vendeuses à "Batik Keris" ( marque réputée de tissus, vêtements et objets en batik) dans les années 74-75. Pour compléter le groupe, elles essaient de joindre par téléphone mais sans succès une "collègue", Erna, à Semarang, puis Theta, une autre camarade qui elle peut se joindre à nous au restaurant dans lequel Atie nous invite. Rendez-vous est pris à "Grand Indonesia", un centre commercial de luxe tout proche.
Nous embarquons dans un taxi qui nous dépose (après avoir satisfait à un premier contrôle du coffre par des agents de sécurité armés) devant l'entrée principale du bâtiment. Là, les sacs des dames sont ouverts pour vérification et nous devons passer sous un portique, comme à la douane, avant de pouvoir mettre le pied à l'intérieur. Ces contôles de sécurité sont maintenant devenus systématiques surtout dans les lieux fréquentés par les étrangers ("occidentaux" en particulier) depuis les attentats de Bali en 2002 et 2005, ceux de Jakarta en 2003 et 2005. Ces contrôles n'ont d'ailleurs pas empêché les derniers en date, qui ont fait 9 morts dans des hôtels de luxe, en juillet de cette année à Jakarta (le responsable de ces attentats aurait été tué récemment à Java). 
Le hall des galeries marchandes est pratiquement désert ; le nom des boutiques, le richesse des matériaux utilisés laissent à penser que ce genre d'établissement n'est malheureusement pas destiné à une clientèle d'Indonésiens moyens.
Nous grimpons avec les escalators pour arriver à l'étage des restaurants. Dans un espace dégagé et fleuri, un jeu de jets d'eau, musical, achève sa représentation qui se répète toutes les heures. Un peu plus loin, une petite place est aménagée à la parisienne avec le Moulin Rouge et la Fontaine de la Concorde en modèles réduits.
Atie nous propose de choisir entre cuisine Thaï ou Japonaise : va pour la cuisine Thaï. Il manque encore Theta qui doit se joindre à nous mais comme elle se fait attendre, nous prenons place à table. Evidemment les portables fonctionnent pour fixer le lieu de rendez-vous !
Là aussi, peu de clients : le personnel, constitué majoritairement de jeunes et jolies filles est aux petits soins.
J'avais oublié que la taille moyenne des Indonésiens n'est pas très élevée, ce qui rajoute à une allure adolescente ; les visages de ces serveuses, discrètement maquillés, leurs cheveux noirs souvent tirés en chignon, leur élégante nonchalance et leurs gestes tout en douceur me ramènent 35 ans en arrière et ravivent le faible de ma jeunesse pour ces "gadis cantik dan manis" (jeunes filles jolies et charmantes) !
Mais, ne nous égarons pas ! Theta arrive : embrassades, retrouvailles bruyantes et sympathiques. Tandis que la table se remplit d'une multitude de plats généreusement commandés par Atie, les conversations vont bon train, les photos souvenir provoquent de franches rigolades : on se croirait retourné au temps où elles travaillaient et surtout faisaient la fête ensemble ... à l'époque où l'on s'est connu !
Il y a de tout petits nems pour l'apéro et une grande variété de plats : poisson, poulet, légumes, soupes ... dommage que je ne sois pas suffisamment en forme pour apprécier tout ça !
Atie règle l'addition et nous sortons prendre une boisson sur la "terrasse" d'un autre établissement, juste en face du spectacle des jets d'eau musicaux. Un véritable "expresso" cette fois, pour me redonner "la pêche", tandis que les filles consomment des jus de fruits toujours dans une ambiance très "gamine". Et puis sur "New-York, New-York" le ballet des jets d'eau s'anime devant une poignée de spectateurs ; c'est complètement ridicule cette attraction décalée (qui doit coûter une fortune) dans un lieu aussi peu fréquenté et si peu en rapport avec la vie indonésienne, la vraie !
Voilà, la rencontre avec les souvenirs s'arrête là. Nous prenons un taxi, à distance de l'entrée principale (ils n'ont pas le droit de stationner devant), en compagnie de Theta qui nous dépose à Setiabudi. Bien sûr, on se reverra avant notre retour en France ...
Je n'ai qu'une hâte : aller m'allonger pour une sieste réparatrice. A 17h30, une douche-casserole rafraîchissante afin de parachever cette remise en forme.
18h, magrib, l'heure du coucher de soleil : nous sommes bien dans le plus grand pays musulman du monde et ça s'entend ! Toutes les mosquées appellent à la prière du soir...


jeudi 17 septembre 2009

Situ Babakan, Situ Gintung

Après un détour par le magasin "Sarinah" de Jalan Thamrin qui regorge de produits artisanaux de qualité (relativement chers), nous voilà en route vers le district de Jagakarsa au sud de Jakarta.
Au milieu de la matinée, les avenues sont dégagées, mais le quartier où nous nous dirigeons est très excentré et les rues plutôt étroites. Le but de cette excursion est la découverte d'un  "kampung Betawi" (quartier de Batavia, nom de Jakarta sous l'occupation hollandaise).
C'est un des rares endroits à avoir conservé quelques habitations de style colonial et même reconstruit certaines d'entre elles pour en faire un lieu mettant en valeur le patrimoine architectural jakartanais par son habitat d'antan et en y créant des évènements culturels, ludiques ou sportifs rappelant les traditions de la capitale. 
En arrivant sur place un lundi matin, nous n'avons aucun problème de parking dans ce lieu certainement très fréquenté le week-end vu le nombre de baraques de marchands et petits restaurants qui longent l'allée bordant Situ Babakan, un lac artificiel.
Nous sommes les seuls à faire le tour du village "betawi", dont les maisons au larges avancées de toit et aux terrasses couvertes meublées de superbes sièges en bois, ont indéniablement un charme rétro présentant une certaine douceur de vivre. Il pleut légèrement, le lieu semble inhabité ; la végétation présente des variétés aux fleurs étranges (dont le nom reste un mystère), là un arbre à pain, ici un bouquet de bambou ...
Sur le lac un pêcheur lance son filet debout sur une frêle embarcation (genre radeau) de laquelle il saute dans l'eau pour récupérer le faible produit de ses efforts.
Nous "passons à table" pour essayer les spécialités : soupes à base de nouilles "khas betawi" (toge goreng, mie-bakso) arrosées de "bir pletok"(décoction sans alcool, à base de gingembre, cannelle, citronnelle, sucre, café et autres ingrédients naturels donnant la couleur rouge de ce breuvage fort agréable et digestif).   

Nous quittons Situ Babakan pour nous diriger vers un autre lac artificiel, Situ Gintung (district de Tangerang), ou du moins ce qu'il en reste après la catastrophe du 27 mars 2009.
Dans la nuit, vers 3 heures du matin, la digue de terre constuite en 1933 sous l'administration hollandaise à des fins d'irrigation, mal ou pas entretenue depuis, a cédé sous la pression de la réserve d'eau du lac artificiel, constamment alimentée par les pluies incessantes qui s'abattaient sur la région depuis plusieurs semaines. La retenue de terre, minée par les infiltrations et la vanne d'évacuation de trop-plein restant bloquée, la catastrophe était inévitable.
D'une part les autorités en charge de la sécurité n'auraient pas pris les mesures nécessaires d'évacuation de la population habitant en aval de la digue malgré le signalement de fissures anormales, plusieurs mois auparavant, et d'autre part bon nombre d'habitations n'auraient jamais dû obtenir de permis de construire dans un lieu aussi exposé. De telles "négligences" ont coûté la vie à une centaine de personnes, englouties dans leur sommeil sous des flots de boue, et jeté à la rue des centaines de familles.
L'album photos "Situ Babakan, Situ Gintung" ne montre que quelques vues de l'emplacement de l'ancien lac, lieu où les Jakartanais pouvaient passer une journée, en famille ou en amoureux, au bord de l'eau, dans un cadre agréable, sans avoir à sortir de la capitale.
Pas de voyeurisme malsain dans ces clichés qui ne montrent que l'étendue des dégâts en amont ; pour avoir une idée de l'endroit avant et après la rupture de la digue, de la zone détruite en aval au lendemain de l'inondation, utiliser le lien Situ Gintung.
Mes photos sont prises du jardin d'un restaurant surplombant le lac, non loin de la digue effondrée ; ce jour-là un terrible orage a éclaté et l'on imagine les quantités d'eau accumulées quand il pleut ainsi durant plusieurs semaines...un vrai déluge !

Il pleut moins fort pour notre retour à la maison, mais l'orage a provoqué d'énormes embouteillages (c'est habituel), certains axes de circulation inévitables étant coupés par l'abondance des flots. Il existe un vaste problème d'évacuation et de traitement des eaux pluviales et usées dans cette ville où le béton et l'asphalte occupent chaque jour un peu plus de surface et dont la population ne cesse de croître.