lundi 30 novembre 2009

Marché et volcan

5h30, Bali se réveille avec le jour qui paraît. Après une nuit peu reposante et une douche casserole revigorante, je m'installe sur la terrasse de la chambre face au bassin et ses fougères arborescentes, pour mettre à jour mon carnet de route en attendant le petit déjeuner.

 La propriétaire est prête pour partir au marché malgré la courte nuit que sa famille et elle ont dû passer en allant nuitamment porter des offrandes et prier au temple le plus important de Bali, Pura Besakih, dans le but d'y célébrer la fin de "Galungan" par "Kuningan", fêtes hindouistes consacrées aux dieux et à l'esprit des ancêtres. Ce temple "mère" qui accueille les cérémonies majeures est situé à 1000m d'altitude sur les flancs du Gunung Agung à une bonne cinquantaine de kilomètres d'Ubud. Sans doute nous y rendrons-nous dans les jours qui viennent.
 La dame est revenue avec son panier rempli de provisions pour les locataires. Un employé nous apporte sur un plateau une assiette avec un "telur mata sapi" (oeuf sur le plat) sur deux tranches de pain de mie rôties au beurre et une copieuse assiette de morceaux de fruits (ananas, papaye, banane) pour chacun. La boisson est à la demande : thé ou café.
Vers 8 heures, nous partons au marché tout proche. Les femmes tiennent le lieu ; les plus jeunes, souvent enceintes, tiennent les boutiques de tissus, vêtements, objets d'artisanat local et les plus âgées  sont occupées à vendre des produits frais tels les ingrédients nécessaires à la confections d'offrandes, des légumes, des fruits, des épices, etc.

Le temple qui jouxte le "pasar" est déjà bien garni de ces petits plateaux en feuilles de palmier tressées quotidiennement, inlassablement, soigneusement, pour recueillir fleurs et grains de riz à offrir aux divinités dans le but de les remercier ou d'obtenir leurs faveurs tout au long de la journée. Ce sont des offrandes simples, de la taille d'un livre, qui jonchent le sol, les murets, les socles de statues à l'inrérieur des temples mais pas seulement (il arrive que l'on marche dessus dans la rue). En général, des bâtons d'encens se consument lentement sous les offrandes et leur odeur caractéristique se répand, donnant à l'air ambiant une senteur mystique et pénétrante.
Aller tôt au marché permet de discuter les prix que les commerçants sont plus facilement disposés à baisser pour augurer une "bonne journée". Si vous faites affaire, la liasse de billets que vous donnerez ira "bénir"  de la main de votre vendeur les marchandises exposées à la vente dans un geste rituel plein de promesses bénéficiaires.

Après avoir bien "tourné" dans le marché, nous en repartons avec quelques achats : petits dessins à thèmes classiques, topeng (masques) et corbeilles à fruits "télescopiques". La matinée bien avancée, une chaleur étouffante nous guide vers la sortie. Le petit temple voisin croule sous les offrandes que continuent de déposer les marchandes du pasar.
Nous allons changer quelques euros et entrons dans une librairie acheter une carte récente de Bali. En entrant dans le magasin, je ne peux m'empêcher d'apprécier à voix haute la fraîcheur apportée par la climatisation.
Les balinais sont de véritables artistes et même si l'on peut regretter la prolifération d'objets décoratifs standardisés en tout genre et de qualité douteuse, certaines boutiques offrent encore des oeuvres qualitativement intéressantes.
Nous voilà de retour à Wena homestay ; là aussi les femmes de la maison sacrifient au cérémonial des offrandes sur des autels répartis çà et là dans l'enceinte de la maison. Des fleurs de frangipanier disposées sur le bord du bassin accueillent élégamment les pensionnaires.
L'examen d'une des corbeilles à fruits achetée révèle un défaut ; retour au "pasar" pour un échange qui ne posera aucun problème.
Nous prenons la voiture, direction Goa Gajah, c'est du moins ce que je pense : erreur, mon GPS (Grand Pif Sagace) nous conduit en direction de Tegallalang : j'aurai mieux fait d'ouvrir ma nouvelle carte routière plutôt que me fier à un "flair" défaillant.
Tout le long de cette route, sur plusieurs kilomètres, une multitude de boutiques d'artisans sculpteurs exposent des collections "originales" (la fabrication en série n'est pas loin !) d'objets décoratifs de toutes formes et toutes tailles, en bois brut ou peint, achevés ou attendant la finition personnalisée d'un petit détaillant, ou encore la venue d'un commerçant étranger à la recherche d'objets à exporter. La production semble plus industrielle qu'artisanale !
La route monte insensiblement ; tiens, que font là tous ces véhicules (autocars de touristes, minibus, automobiles) stationnant de chaque côté de la route ? Il y a bien aussi les boutiques de souvenirs pour indiquer que voilà un lieu touristique.
Arrêtons nous pour voir : le point de vue qui attire tous ce monde est un paysage de rizières en terrasse joliment escarpées, avec les cocotiers parfaits pour la photo. Des générations de paysans ont aménagé ses pentes abruptes avec un tel sens pratique et artistique à la fois, une telle connaissance du relief, qu'il se dégage de ces paysages une harmonie parfaite entre l'intervention intelligente de l'homme et la nature domptée ici pour le plus réussi des tableaux agricoles. Le vert est de mise, utilisant toutes les nuances à sa disposition : le "padi" (riz en herbe), déjà haut, puise sa force dans l'eau boueuse retenue par une multitude de plateaux savamment empilés. Pure merveille que l'organisation et l'irrigation de ces rizières suivant les courbes de niveau. Effectivement, cela vaut bien quelques clichés.
Poursuivons notre route vers le Nord. Au village de Sebatu, je dois garer la Karimun sur le côté pour laisser la chaussée libre à la procession qui avance droit sur nous.
 Le son du gamelan s'approche et bientôt les hommes, revêtus de chemises blanches, sarong à carreaux noir et blanc, le front ceint du bandeau traditionnel ("ikat kepala"), blanc aussi, passent devant nous. Ils avancent au rythme des cymbales à pompons rouges tandis qu'au milieu du cortège, un "barong macam" (dragon-tigre) progresse en dodelinant de sa gueule monstrueuse. Derrière suivent les "payung" (ombrelles) dans les mêmes tonalités de couleur, balançant leur toile tendue en forme de dôme au bout d'un long manche décoré. La procession poursuit sa route ; pour quelle destination et dans quel but ?... nous l'ignorons. Il faut dire que de telles défilés sont très fréquents sur les routes balinaises.
Nous repartons en direction du Nord, la montée n'en finit pas ; des panneaux indiquent la direction "Elephant Safari Park" à gauche (une vidéo surprenante, bien qu'hors-sujet, sur le lien), Kintamani tout droit. "Terus saja" (tout droit), le panorama au sommet offre un spectacle de choix sur le volcan et le lac Batur. La dernière fois où nous sommes venus là, Gunung Batur émettait quelques jets de lave et une colonne de cendres montait en volutes grises au sortir des cratères. Tiens ! l'accès à Batur et à la route qui suit la crête surplombant le paysage convoité n'est pas gratuit : un "poste de péage" est installé juste avant l'intersection et l'on nous taxe de 5000 Rp par personne. Sans commentaire, puisqu'il faut s'exécuter : ce sont les aléas de l'industrie touristique ! 
Un peu plus loin, nous nous arrêtons sur le parking d'un restaurant avec terrasse panoramique d'où l'on pourra contempler le site volcanique. Après quelques tergiversations nous finissons par nous installer à une table pour prendre notre repas : il s'agit d'un forfait à 55000 Rp/personne, donnant droit à un buffet (à volonté), thé et café compris. Malheureusement, les plats présentés n'ont rien de bien appétissant, certaines préparations baignant dans l'huile avec quelques mouches pour toute déco... à éviter absolument.

Le panorama permet de voir nettement la dernière coulée de lave, noire, descendant du cratère principal qui culmine à 1717m ; cette fois, à la différence de 1994, aucune activité visible. Par contre, notre position nous permet de constater que nous circulons sur le bord externe du "grand" volcan de la "double caldeira", dont l'arête occidentale, la plus haute, atteint 1500m juste au-dessus du lac Batur. Selon l'éclairage, le reflet de cette falaise sombre donne à l'eau une couleur profonde, un indigo ténébreux, qui rend l'endroit impressionnant et mystérieux.

Nous reprenons la route très déçus de notre repas "touristique", en direction de Kintamani. Nous espérons voir le volcan sous un autre angle, mais plus nous montons, plus nous nous éloignons ; à Penulisan nous tentons quelques photos du paysage mais la végétation se densifie et obstrue la vue. Le versant Nord est plutôt ensoleillé alors qu'au Sud, la vue est totalement bouchée par la noirceur d'un nuage d'orage...dommage !

Nous retraversons Kintamani dans le sens descendant ; hommes et femmes se rendent au temple, pour la plupart, en sarong de batik et "kebaya" (chemisier pour les femmes) chemise blanche (pour les hommes). Bien sûr si les hommes ont les mains libres, les femmes doivent assurer l'équilibre d'un couffin sur leur crâne, ce qui leur donne une indéniable élégance.

A Penelokan nous prenons la descente vers Kedisan au bord du lac Batur ; le pourcentage est parfois impressionnant et  automobilistes et motards remontant prennent souvent des risques inconsidérés pour dépasser les camions poussifs qui peinent à gravir la pente ... prudence, prudence !
Là où il n'y avait dans mon souvenir que 2 ou 3 maisons en 1976, se dresse aujourd'hui un village avec infrastructures touristiques, pisciculture intensive et cultures maraîchères (essentiellement des choux, des oignons, de l'aïl et du piment). Nous nous engageons sur l'étroite route épousant le relief tortueux au milieu des blocs de lave noire datant de l'éruption de 1974. Des zones fertiles sont exploitées sur des parcelles isolées et il me semble y apercevoir des plants de tomate. La circulation automobile sur cette partie de route demande la plus grande prudence à cause des virages, des dos d'âne, de l'étroitesse de la chaussée et des petits camions toujours "à fond" !
Arrivés à Songan (extrémité Nord du lac) nous renonçons à faire le tour par Kuban et Trunyan, la piste ne paraissant pas suffisamment carrossable pour notre vaillante Suzuki. Demi-tour donc, quelques clichés de cet étrange paysage où la végétation a repris sa place. La population autour du lac n'ignore certainement pas les risques qu'elle encourt mais elle profite des périodes d'accalmie de l'activité volcanique pour exploiter les ressources que le site lui offre. Pour nous, le lieu rappelle des souvenirs : à l'époque, je ne me suis pas rendu compte que les conditions dans lesquelles nous avons effectué la traversée du lac (près de 10 km A-R), sous l'oeil fumant du Gunung Batur, étaient d'une imprudence folle (voir la photo ci-dessus). Pour finir en beauté, quelques mains bienveillantes avaient dû "bidouiller" notre moto pour qu'elle ne puisse redémarrer sans l'intervention d'un mécano ... souvenirs, souvenirs !!!
En tout cas, pas de problème avec notre petite Karimun : elle remonte sans encombre jusqu'à Penelokan où nous prenons la grande descente Ubud via Tampaksiring. C'est une ligne droite où l'on prend facilement de la vitesse sur le flanc du Batur, mais cela n'empêche en rien les chiens de traverser tranquillement, les camions de démarrer devant vous, les motos surchargées d'occuper la chaussée, aux nids de poule de surprendre vos amortisseurs ; alors, la meilleure solution est de s'armer de patience et d'être attentif à l'état du revêtement et à tout ce qui bouge, sans oublier l'usage du klaxon !

Arrivés sur le territoire de Tampaksiring nous faisons une petite halte au bord de grandes rizières où le padi a atteint sa hauteur maximale (60 à 80 cm) et dont je veux prendre quelques photos (on ne se refait pas, j'aime les rizières). Le ciel s'est assombri et les premières gouttes commencent à tomber. Nous traversons une averse un peu plus bas et arrivons à Ubud (dans les embouteillages) en passant devant Goa Gajah, notre destination initiale : trop tard, la nuit tombe ... ce sera pour un autre jour.

Après une douche réparatrice, nous voilà partis à pied, à la recherche d'un restaurant à jus de fruit, en vain. Au passage nous avons aperçu de ravissantes danseuses exprimant toute leur grâce au rythme saccadé du gamelan, dans un théâtre à ciel ouvert rempli de touristes. En revenant sur nos pas, nous entrons finalement dans un restaurant tout près de notre homestay, certes bien occupé mais qui permet de côtoyer d'autres voyageurs en  s'asseyant à la même table.

Ce soir-là nous échangeons nos récits de voyage avec 6 jeunes Français qui sont passés par Jogjakarta (en faisant l'ascension "crevante" et "décevante" du Merapi), le Bromo, le Kawah Ijen, qui se déplacent à moto et comptent se rendre à Amed, sur la côte Est, dès le lendemain. Ils ont l'air d'avoir "la pêche" et ne doutent de rien : vive la jeunesse !
Nous regagnons notre chambre et me couche en sueur ... les "cicak" semblent rigoler. 

vendredi 13 novembre 2009

Bali, premières impressions

En partant à 6h20 de Setiabudi, nous n'avons mis qu'une demi-heure pour gagner le Terminal 1, celui des vols intérieurs de l'aéroport Soekarno-Hatta. Un type et son porteur de bagages bousculent et passent devant tous les gens de la file pour franchir le premier portique. Je proteste pour la forme et Eddy en rajoute une couche envers le pauvre bagagiste qui ne fait que suivre le vrai fautif, sans-gêne et dédaigneux au possible.
Après avoir franchi tous les contrôles, nous faisons enregistrer notre gros sac : il ne nous reste qu'un peu plus de 2 heures à attendre ! Cela nous permet de lire notre guide de voyage afin de nous faire une idée plus précise de notre logement à Bali. Nous avons aussi le temps de regarder les vêtements présentés par la boutique "Batik Keris" dont les tissus et les modèles sont toujours "classe".
Au dernier moment, nous sommes orientés sur une porte d'embarquement différente de celle prévue initialement. "Lyon-Air" est équipée d'appareils récents qui inspirent confiance, dans ce pays où même la plus importante compagnie aérienne, Garuda, n'a plus l'autorisation d'atterrir sur le sol européen, ne satisfaisant pas aux critères internationaux de sécurité pour sa flotte.

L'avion est plein, l'espace entre les rangées de sièges plutôt réduit. En dehors d'une chorégraphie impeccable montrant les consignes à respecter en cas d'incident, les charmantes hôtesses n'ont pas grand chose à faire, les services de cabine n'étant pas gratuits (normal étant donné le coût du billet aller-retour : 50 euros ).

L'aéroport Ngurah Rai est en vue : il pleut sur l'Océan Indien mais pas à terre. Une chaleur moite nous accueille ; sur le tapis roulant sortent d'abord les planches des surfeurs australiens. Nous récupérons notre sac ; à la sortie, des dizaines de chauffeurs agitent des pancartes avec le nom des passagers à prendre en charge.
Nous cherchons notre loueur de voiture que Tuti a contacté par SMS à notre arrivée : il est là, à deux pas ! Son contrat de location à la main, il accepte sans difficulté de le prolonger pour toute la durée de notre séjour à un tarif intéressant : 1400000 Rp pour 10 jours (soit environ 100 euros). Il va chercher la Suzuki Karimun, petite boîte à savon, largement suffisante pour deux. Je m'installe au volant, à droite, vérifie les principales commandes. Tout fonctionne, y compris la clim ! 
Nous sortons du parking de l'aéroport après avoir acquitté nos 6000 Rp de péage. En priorité : faire le plein de "premium", le réservoir est au plus bas. Première "pompa bensin" (pompe à essence), plus de premium. Allons voir plus loin, de l'autre côté de la voie rapide ; le terre-plein central est pourvu d'ouvertures permettant la manoeuvre autorisée mais risquée du "sens inverse". Arrivés à la station service, un employé nous signifie qu'il n'y a plus de carburant et nous indique d'aller encore plus loin ... je commence à stresser, la jauge indiquant un niveau sous le zéro. Nous repartons en direction de Sanur ; cette 3ème tentative sera la bonne. Ouf, le plein est fait ! 
La circulation nécessite une attention qui me donne mal au crâne, d'autant qu'elle se situe à gauche et qu'il y a assez peu de panneaux indicateurs aux intersections ; rajouté à cela la conduite "à la balinaise" (sans règles bien définies), les motos surgissant de tous côtés, les camions bringuebalants, les cyclistes et les charrettes sur les voies rapides, les arrêts inopinés de bus, bref un vrai casse-tête. Il va falloir s'habituer ; d'ailleurs Tuti m'encourage à utiliser le klaxon, mais comme j'oublie régulièrement de le faire, elle m'assiste dans cette "manoeuvre" inhérente à la conduite balinaise. Les gens du pays restent impassibles, maîtres d'eux-mêmes bien qu'à chaque instant, ils semblent frôler l'accident ... inconscience ou vigilance, "zen attitude" ? Une part de tout ça sans doute ! 

Nous avons choisi Ubud comme point de chute mais la multiplication des voies rapides me fait perdre mes anciens repères et nous voilà roulant en direction de Gyanyar. La circulation est dense. On voit maintenant clairement l'océan que l'on ne faisait qu'apercevoir autrefois entre les troncs nus et élancés des cocotiers. Le pifomètre pour tout GPS, nous parvenons par des routes secondaires à gagner notre destination finale. La circulation dans Ubud est grand-guignolesque : qu'est-ce que ça doit être en pleine saison touristique ! Nous finissons par trouver une place à 500 mètres de Jalan Goutama qui, d'après notre livre-guide, recèle une flopée de petits hôtels, chambres d'hôtes et restaurants bon marché.
Nous entrons dans le premier venu, "Wena Homestay", qui dispose de 4 chambres, dont une libre, dans 2 bungalows séparés. Tuti engage le marchandage traditionnel ("boleh tawar") avec la propriétaire et tombe le tarif de 100 à 80 mille rupiah (5,50 euros) la nuit ... mais chut, motus, il ne faut pas que les autres clients le sachent. Nous réservons 3 nuits, petit déjeuner compris.

Nous repartons chercher la voiture. Dans la rue principale, l'air est saturé des gaz d'échappement des 4X4 de location, des autocars de touristes japonais et coréens ; de nombreux "bulé" (blancs), dont beaucoup de Français, circulent à pied, à bicyclette ou à moto. Le "tukang parkir" arrête le trafic pour nous permettre de sortir la voiture de son emplacement contre un ticket à 2000 Rp (0,15 euros), et nous finissons par rejoindre Jalan Goutama et nous garer après maintes manoeuvres dans l'étroite rue, tout près de l'entrée de "Wena homestay".
Nous prenons possession de notre chambre, dans le bungalow au fond de la cour. Un peu de repos avant quelques courses (savon, eau minérale, insecticide ...) dans un petit "toko" (magasin) avec de super prix "touristiques" (!!!) sur Jalan Raya Ubud.

Au retour nous nous arrêtons dans un restau sans fioriture avec une clientèle locale ; "mie goreng", "nasi goreng", "cap-cai", assaisonnés de "sambal" (purée de piment)  et "teh panas" pour une addition de 33000 Rp (2,50 euros) à deux, rien à dire !
De retour dans la chambre, je jette un oeil sur le guide de voyage "Lonely Planet" de Bali et Lombok, laissé là par un voyageur étourdi ou partageux, afin de programmer nos visites pour le lendemain. Le ventilateur blanc du plafond en "bilik" (panneaux de bambou tressé) tourne au ralenti. Le sommeil arrive mais la nuit balinaise se remplit de "chants" animaux : le "toké" (gecko) dont le nom évoque précisément le cri (à écouter sur le lien) qu'il émet à intervalles réguliers, les "kodok" (grenouilles ou crapauds) locataires bavardes du bassin de la cour, les "anjing" (chiens) très nombreux et souvent galeux à Bali, les "ayam jago" (coqs de combat) qui voient probablement le soleil se lever à n'importe quelle heure de la nuit, les "burung malam" (oiseaux de nuit) et autres "bebek" (canards) qui se déplacent en troupeau caquetant dès l'aurore ... Si en plus le "sambal", hot-ment "pedas" (fortement épicé) a une fâcheuse tendance à signaler son passage dans votre intestin en vous contraignant à visiter nuitamment "kamar kecil" (cabinet de toilette) à plusieurs reprises, se joint au joyeux tintamarre nocturne, il ne vous reste plus qu'à prendre rendez-vous avec le sommeil pour une autre occasion... demain est déjà là !






samedi 7 novembre 2009

Week-end à Cipanas

Ce week-end familial, va nous emmener en altitude et nous rafraîchir un peu. Direction  le "Puncak", région montagneuse au Sud de Jakarta, très prisée des citadins à la recherche de verdure, d'un climat plus clément et d'un air moins vicié que celui de la capitale.

Vers 6h du matin, Tuti m'a tiré du lit : nous devons partir dans une demi-heure afin de passer à Cibubur, chez les parents d'Alfa, épouse de Manggar, qui nous attendent pour une petite collation matinale. Je bois quand même un thé et avale 3 tranches de pain de mie ; bien m'en prend, car pour ne pas déroger à l'adage indonésien très imagé  "jam karet" (horaire élastique), nous ne partons qu'à 7h40.
Nous quittons l'autoroute Jakarta-Bogor à la hauteur de Cibubur pour rejoindre le complexe résidentiel des parents d'Alfa. L'entrée est gardée, les habitations de tous styles sont plutôt cossues mais souvent mitoyennes (pas terrible pour l'harmonie architecturale). La région de Cibubur, autrefois "garde-manger" de Jakarta par ses rizières et ses cultures maraîchères, se transforme peu à peu en banlieue pour la classe moyenne.
Nous laissons nos chaussures sur le seuil de la maison et après les présentations, nous sommes invités à choisir un plat préparé en barquette ("lontong" ou "nasi kuning") ainsi qu'une boisson ; même si j'ai précisé un café noir, on m'apporte une mixture sucrée au lait concentré ! "Sarapan" (petit déjeuner) terminé, nous prenons congé de nos hôtes et regagnons l'autoroute, suivi de Manggar et sa petite famille. Nous faisons le plein de "premium" : le prix du carburant est uniformisé pour toute l'Indonésie et l'équivalent de notre sans plomb coûte 4400 Rp/l (environ 0,35 euros le litre).

Autrefois, la route du Puncak (sommet) passait par Bogor, maintenant elle contourne la ville et nous conduit directement au pied du col. Le rétrécissement de la chaussée annonce les futurs bouchons avec la multitude de moyens de transports en commun qui s'arrêtent sans crier gare sur le bas côté et redémarrent de la même façon. Les motos passent à droite et à gauche, quelques VTTistes courageux ont entrepris l'ascension, ainsi que des cavaliers sur de petites montures qui arrivent à nous doubler, les automobiles roulant au pas ! La route est bordée de nombreux restaurants, hôtels, résidences d'entreprises ou villas privées auxquels viennent s'ajouter des quantité de petits marchands de fruits et légumes frais.
A Cisarua, à la hauteur de Taman Safari, un policier sur sa moto annonce par mégaphone que la voie descendante est fermée à la circulation des 4 roues, derrière lui. Cette "alternance" consiste à libérer la chaussée : à cette heure de la journée, ceux qui grimpent, plus nombreux, bénéficient de l'avantage de pouvoir poursuivre leur chemin sans embarras vers le col. Tant pis pour ceux qui voulaient descendre, il leur faudra patienter !
Nous voilà dans un paysage où la végétation, moins luxuriante et variée fait place à des résineux et surtout des plantations de thé, au fur et à mesure que la pente s'accentue. Les nuées se font plus enveloppantes et bientôt Puncak Pass (1500m) est franchi. La route descend  maintenant insensiblement en direction de Cipanas.
Non loin de là, nous accédons au lotissement où la famille de Fahmi possède une résidence secondaire. L'entrée est discrètement surveillée et nous pénétrons dans le complexe résidentiel sans aucune vérification. Il s'agit d'un ensemble de maisons de tous styles dont la plupart semblent inoccupées mais pratiquement toutes entourées d'un petit jardin paysagé très bien entretenu, donnant sur la rue sans la moindre clôture. Un gardien nous ouvre la maison ; Fahmi attribue une chambre à chaque famille.
Pendant que les jeunes partent faire un tour à la piscine un peu plus bas, j'en profite pour faire le "tour du propriétaire" et une petite balade dans le lotissement.  Il y a de très belles maisons, mais ce sont surtout les plantes si difficiles à cultiver chez nous qui ici ont des tailles géantes, servant parfois de haie, ainsi que les fleurs qui suscitent le plus mon admiration. A cette altitude, poussent aussi les hortensias, les géraniums, les dalhias et autres oeillets d'Inde. Pour moi, la température est vraiment agréable, mais il semble que les Indonésiens, revêtus de T-shirt à manches longues trouvent l'air un peu frais.
Après le repas et une petite sieste, c'est le moment "shopping" ; non loin de là, se trouvent des magasins de vêtements et chaussures de marque (Redskin, Géox entre autres) produits dans la région et proposés à des prix très attractifs.
Les jeunes, revenus de la piscine, ont l'air frigorifiés... 

Nous voilà dimanche ; à 5h du matin la maison bruisse d'activités ménagères. La douche-casserole est d'une efficacité imparable pour se réveiller complètement : il faut dire que la fraîcheur de l'eau à cette altitude vous donne un sacré "coup de fouet".
Après le petit-déjeuner, je repars faire un tour de lotissement : au lever du jour, tout est calme. Sur le côté, une palissade cache aux regards des résidents un kampung avec des baraques au toit en tôle ondulée, très éloignées du style des luxueuses villas voisines.
Fahmi nous propose un petit tour en voiture à Cipanas.


Cette célèbre station balnéaire du pays Sunda abrite un des six palais présidentiels d'Indonésie (istana kepresidenan). Nombreux sont les villages soundanais de cette région à porter un nom commençant par Ci... signifiant "eau" en langue locale et en l'occurence, pour Cipanas il s'agit d'eau chaude, la ville étant située au pied du volcan Gunung Gedé (environ 3000m) dont les flancs donnent naissance à plus de soixante rivières irrigant en particulier la région sud-jakartanaise.
Nous nous garons sur un parking ouvert sur un terrain de foot ; l'espace est déjà bien occupé par des joggers matinaux effectuant des aller-retours en petits groupes  transpirant, plus essoufflés vraissemblablement par la rigolade que par l'effort fourni ! Sur un côté du parking, quelques marchands de rafraîchissements et autres victuailles ainsi que de 2 manèges mus par la force des mollets de leur propriétaire. Bien sûr ces distractions ne s'adressent qu'aux plus petits.
Après avoir jeté un oeil curieux sur l'immense domaine du Palais Présidentiel, fermé au visiteurs, nous reprenons la route en direction de Cibodas. Elle grimpe vers un sommet soigneusement caché par les brumes matinales ; de nombreux jardins de pépiniéristes  la bordent : nul besoin de serre, tout pousse dans ce climat humide et chaud, sur une terre volcanique pour le moins fertile. Les balles de riz (enveloppes du grain), transportées sur de petits camions dont le chargement volumineux impressionne, trouvent ici leur utilité en servant à la fois d'engrais et en protégeant la terre de l'évaporation.   

Nous repartons maintenant sur le lieu de rendez-vous fixé, Melrimba, sorte de grand parc avec des aménagements pour les enfants, hôtel restaurant et surtout jardin botanique ouvrant sur des plantations de thé. Ce domaine se trouve sur le territoire de Cisarua, en contre-bas de Puncak Pass. Nous y retrouvons les membres de la famille pour cette excursion matinale. La promenade commence par un tour du jardin : on reconnaît de nombreuses variétés de plantes (azalées, rhododendrons, yuccas géants, hortensias, fougères arborescentes, et pleins d'autres dont je n'ai pas relevé le nom). Il y a même une serre consacrée à la culture de fraisiers dans laquelle il est possible de faire sa cueillette et de la payer en fonction du poids récolté. Un petit cours d'eau est aussi aménagé : cascades, plantes aquatiques, ponts pour les photos, coin pêcheur, etc).

Un gardien nous fait signe de le suivre pour l'ouverture de la visite du Perkebunan Teh (plantation de thé nationale). Le paysage est superbe bien que le soleil brille par son absence : des théiers à perte de vue. La plantation épouse parfaitement les collines et la taille régulière des arbustes donne une impression de douceur au paysage. Nous progressons sur un sentier qui nous mène à une route empierrée serpentant sur le relief. Après quelques mètres nous stoppons tous pour regarder une cueilleuse descendre de la colline, un énorme sac en toile-plastique rempli de feuilles vertes pris en charge sur son crâne. Elle vient le déposer, ou plutôt le jeter à côté d'autres déjà stockés sur bord de la route. La balle semble très lourde : elle annonce une cinquantaine de kg. Effectivement, Eddy et moi essayons de le soulever mais impossible de la décoller du sol. La tenue des cueilleuses est adaptée à leur travail : ample tablier, imperméable et bottes de caoutchouc pour crapahuter sur les pentes suintantes et argileuses de l'exploitation. Tandis qu'elle repart à sa cueillette, une autre arrive, portant une hotte sur le dos tout en en tirant un sac derrière elle. On peut supposer que ses cervicales ne peuvent plus supporter les charges si pesantes ; sur l'aire de stockage, elle déverse toutes ses feuilles de thé sur une grande toile carrée qu'elle referme en nouant les 4 coins formant ainsi une balle identique aux autres. Elle transpire tout autant que la première mais garde le sourire ... je me demande quel salaire elles peuvent bien toucher pour un travail aussi pénible. 
La balade se poursuit, des petits malins font du stop avec succès ; la brume au-dessus nous préserve des rayons ardents du soleil, la température est idéale. Nous franchissons un petit col ; sur l'autre versant, on se fait une idée plus juste de la gestion d'une telle plantation. Tandis que les femmes sont à la cueillette, un ouvrier supprime de vieux théiers secs, devenus improductifs, tandis qu'un autre remet en état le terrain pour accueillir de nouveaux plants. Un peu plus loin, on distingue un étang tout près d'un hameau de quelques maisons, totalement immergé dans la plantation. Notre balade se poursuit jusqu'au point d'eau, à un rythme très "cool". L'endroit, romantique, est assez photogénique d'autant  que le soleil daigne se montrer par-ci par-là, quand les nuages lui laissent un peu de place pour éclairer de ses feux des îlots de verdure. Entre les pieds des théiers poussent des impatiens de Nouvelle Guinée, témoins de l'humidité permanente du terrain ; un peu plus loin la dépouille d'un petit serpent montre que le port des bottes en caoutchouc n'est pas superflu contre d'éventuelles morsures ... les reptiles doivent être légion à l'abri des feuillages !
A notre retour, le tas de balles de feuilles récoltées a grossi et deux petits camions Mitsubishi, donnant une apparence de puissance incroyable sur cette route pentue et chaotique, viennent charger leur benne. Trois cueilleuses font une pause et avec un grand sourire me demandent de les photographier, à condition de débourser quelque monnaie.
J'ai un peu honte de leur dire que je n'ai vraiment pas une rupiah sur moi, et leur montre mes poches vides pour qu'elles me croient ; elles s'éloignent avec des rires moqueurs et des réflexions en soundanais que je suis incapable de comprendre ... vexant !

Nous traversons à nouveau le jardin botanique et je me dirige vers une grande serre, sorte de "jardinerie" spécialisée, dans laquelle sont exposées d'élégantes orchidées destinées à la vente, dégageant un parfum subtil et envoûtant.


A l'extérieur, les enfants me montrent leur adresse au basket ; je rejoins l'ensemble des adultes assis autour d'une table basse, en train de déguster le thé local accompagné de douceurs alléchantes. Il y a des "pisang goreng" (bananes frites) et des petits gâteaux tout ronds à base de farine de riz, soupoudrés de sucre glace ; tout cela est excellent après la balade dans la plantation. Le thé chaud, juste un peu amer malgré les morceaux de sucre candy, s'accorde parfaitement avec les bananes chaudes elles aussi, craquantes et fondantes à la fois.

Les enfants vont maintenant s'essayer au parcours dans les arbres, avec l'aide de moniteurs très dévoués ; casqués et munis d'un harnais de sécurité, tous essaient mais les réussites sont diverses selon l'âge, les aptitudes physiques et surtout le courage devant les difficultés mises en oeuvre. Heureusement, la "tyrolienne" après l'appréhension du vide, redonne le sourire à tous les acteurs qui ont droit ensuite à un tour de quad adapté à leur âge.

Le ciel s'assombrit et nous quittons les lieux après une séance de photos collectives, pour aller...manger dans un "warung sate kiloan" (petit restaurant de brochettes). Ici les brochettes sont vendues au poids, qu'elles soient "ayam" (poulet) ou "kambing" (chèvre) ; rajoutez à cela un "gulai kambing" (autre préparation très goûteuse à base de viande et os de chèvre), le riz vapeur, les tranches de concombre et de tomate, les "sambal" et petits piments, le tout arrosé de thé (chaud, glacé, sucré ou non) et de jus d'avocat pour conclure et vous avez un excellent repas, typiquement indonésien, en toute simplicité, qui "vaut le détour" (!!!)
Dans le warung voisin, les spécialités sont les "patates douces" au four et les épis de maïs grillés : mais pour moi, sans façon, le plein est fait.
Nous attaquons la descente du col : bientôt, on retrouve les bouchons et une "conduite à risque" qui ne m'empêche pas de "clicher" quelques curiosités amusantes.


 


Tuti veut passer dans une fabrique de sacs à Bogor. L'orage qui menaçait finit par éclater avec la violence des orages tropicaux. Cette ville au pied de la montagne détient (me semble-t-il) le record mondial du nombre d'orages annuels. Une fois les emplettes faites, impossible de quitter l'endroit : un véritable déluge. Comme partout en Indonésie, de petits marchands de spécialités culinaires sont installés aux abords des grands magasins et pour l'heure, ils sont assaillis de clients qui attendent l'accalmie pour reprendre leur voiture. Personnellement, je n'ai besoin de rien mais le reste de la famille semble encore "avoir de la place" pour une autre collation ("habis makan, makan lagi", fini de manger on mange à nouveau)! Ouf, la pluie se calme et nous finissons par rejoindre la voiture pour regagner au plus vite la capitale ... demain, direction Bali !