samedi 3 octobre 2009

Art asmat, souvenirs et asinan

Va-t-il falloir que j'enfile des gants et des chaussettes pour ne pas donner l'occasion aux moustiques de faire un festin pendant mon sommeil ? Ils m'ont vampirisé mains, chevilles et mollets pendant la nuit ... il faut dire que le ventilateur s'est arrêté au moins deux heures, suite à une coupure nocturne du courant !
Après un petit déjeuner "raisonnable" (pain de mie, confiture, thé et ananas frais) destiné à remettre de l'ordre dans mon appareil digestif, nous avons demandé à Fahmi (toujours disponible ou presque) de nous conduire chez des amis de longue date, demeurant tout près de Lebak Bulus, quartier excentré de Jakarta.
Une fois Nuke déposée sur son lieu de travail, nous traversons la ville sans trop de difficulté, l'heure de pointe des encombrements matinaux étant passée.
Nous arrivons chez nos amis sans nous être annoncés ; c'est le fils aîné qui vient nous ouvrir suivi de peu par notre amie, Ani. L'effet de surprise passé, ce sont les effusions et les paroles de bienvenue, la joie de se retrouver ! J'en oublie d'ôter mes sandales avant de pénétrer dans la "ruang tamu", comme c'est l'usage.
La discussion va bon train, chacun demandant des nouvelles des uns et des autres.
Arrive le thé traditionnel et des gâteaux de forme ronde et éclatée, de couleur verte ou marron marbré, "carabikang". C'est l'occasion de sortir mon appareil photo, de prendre quelques clichés de ces bizarreries pâtissières et de poursuivre par les trois "wayang golek" suspendus au mur. Ils viennent de Bogor : le marionnettiste les a fabriqués dans le respect de la tradition (formes, couleurs, motifs décoratifs) ce qui est plus difficile à trouver, beaucoup de ces "wayang" étant maintenant détournés de leur fonction théâtrale (Ramayana) et plutôt destinés aux touristes dans un esprit plus "souvenir décoratif".
Notre amie possédait une très belle collection de sculptures primitives et objets Asmat, peuple d'Irian Jaya, la partie indonésienne et occidentale de l'ïle de Papouasie. Elle m'invite à aller la voir : tout un mur de la salle à manger est garnie de statues plus extraordinaires les unes que les autres. Sur d'autres murs, sont exposés : arcs, flèches, lances, boucliers, poignards en os ...
Une statue attire mon attention ; elle n'est pas de la même nature que les autres, peut-être plus raffinée par les cheveux et les coquillages qui la décore, mais surtout par ce qu'elle représente : un personnage mi-homme mi-crocodile. Cette sculpture a été "chèrement" acquise en Papouasie-Nouvelle-Guinée (pays indépendant de la moitié orientale de l'île). L'objet est tellement original et d'une telle facture que j'en prends plusieurs clichés.
Pour satisfaire ma curiosité, un livre d'art, édité en Allemagne par le conservateur d'un musée consacré aux Asmat m'est présenté ... dommage qu'il n'existe pas en France, car les photos sont superbes et il semble très documenté.
Mais voilà qu'arrivent deux femmes et Ani nous explique qu'elle donne des consultations de tarots ... nous prenons donc congé ; nous reviendrons une autre fois pour passer la journée ensemble, en présence de son mari, Arbie, occupé à ses affaires.

Nous décidons de faire un retour vers le passé, à savoir retrouvé la maison que j'occupais il y a 35 ans avec 2 autres coopérants, Francis et Aimé, dans le quartier de Rawamangun, à l'Est de la ville. Pour le rejoindre, nous empruntons une des nombreuses autoroutes à péage qui quadrillent la capitale. Les ralentissements, malgré les 3 ou 4 voies, et un réseau routier surélevé me permettent d'avoir une vue d'ensemble des "kampung" traditionnels très resserrés, enchevêtrés dans une multitude de toits de tuiles et de tôle ondulée d'où dépassent quelques bulbes de mosquées. On imagine à quelle densité de population cela doit correspondre, l'habitat en immeubles, pourtant en pleine expansion, restant réservé à une élite. Dans le fond, des groupes de gratte-ciel (hôtels, banques, sociétés centres commerciaux, etc) des quartiers d'affaires.
Nous arrivons au "terminal bis" (gare routière) d'où l'on pouvait autrefois utiliser les services d'un "tukang becak" qui, pour 50 rupiah, vous tranportait devant votre domicile. Pour des raisons d'encombrement et de développement de la circulation automobile, ces cyclo-pousse mus par la force des mollets ont été interdits dans l'agglomération jakartanaise depuis une trentaine d'années. Les barraques en bois ont été remplacées par des bâtiments en dur et de nombreux petits magasins.
Après avoir tourné dans le quartier, nous finissons par retrouver la maison, désormais bordée par une rue très passante, "jalan Cipinang", là où il y avait un vague accès en terre, transformé en bourbier les jours de fortes pluies. L'habitation a perdu tout son charme : disparus le petit bassin, le gazon et les plantes tropicales qui lui conféraient un aspect à la fois accueillant et reposant. Le béton a remplacé la verdure, un "4x4" remplace notre Méhari orange et en plus, la maison est à vendre. Même chose un peu plus loin pour la maison d'un autre ancien coopérant, qui elle semble carrément à l'abandon : triste ! Parfois, il vaudrait mieux se contenter de garder à l'esprit les belles images à jamais révolues.

Nous partons manger à Cikini (autre quartier central de Jakarta). Fahmi nous conduit à l'ancien cinéma Megaria en-dessous duquel se trouve un restaurant populaire dont la spécialité est le "ayam bakar" (poulet grillé) ; accompagné de "nasi putih", un peu de concombre et un verre de "es kelapa muda" (lait de noix de coco fraîche) : l'estomac pourra se reposer de ses "agapes" des premiers jours. Un "rujak" pour finir, voilà un repas équilibré ! Un jeune guitariste fait la manche avec talent, tandis que deux femmes, très voilées, font une quête pour une oeuvre islamique ...
 Nous quittons les lieux pour nous rendre chez le monney-changer en prenant par Salemba et Senen ;  passant près de son ancien bureau, je repense à l'ami Tomy, disparu trop vite dans le pays de ses ancêtres chinois. Le bureau de change est bondé, tous les guichets occupés ; il faut se munir d'un ticket et attendre l'appel de son numéro, donner ses euros, attendre à nouveau d'être appelé à une autre caisse pour recevoir sa liasse de rupiah ... c'est long mais plus avantageux que de passer par les services d'une banque. Vus le nombre de clients, ce doit être vrai !

De retour à Setiabudi, j'ai la surprise de voir, à l'entrée du "gang", un "tukang jahit" (couturier) ambulant, aux prises avec un ourlet de pantalon, à cheval sur sa bicyclette équipée d'une machine à coudre ... tailleur à domicile. Un "tukang asinan" stoppe sa carriole devant le portail d'entrée de la maison à la demande de Fahmi pour une autre préparation culinaire à base de tofu frit, pousses de soja, nouilles jaunes, concombre, chou bouilli, le tout assaisonné par une sauce cacahuète un peu liquide, quelques filets de kecup manis et bien sûr de l'inévitable et indispensable sambal.

Une petite parenthèse pour celles et ceux qui seraient curieux d'en savoir plus sur la cuisine indonésienne, j'ai trouvé sur google un tas de blogs (malheureusement très peu en Français) que vous pouvez consulter en cliquant sur les 2 liens précédents. Bon appétit !

Un plan de Jakarta pour se repérer

Pour finir la soirée, nous nous rendons chez ibu Ika, une amie de la maman de Tuti, habitant le quartier. Nous sommes reçus avec beaucoup d'émotion par cette octogénaire et sa fille, revêtue d'un hidjab. Cette dernière, ancienne camarade d'école de Tuti, se montre bavarde et enjouée ; on parle des élections du lendemain, mais aussi de Nicolas et Carla dont elle ne semble guère apprécier l'union, nous interroge sur la non-élection de Ségolène, parle avec enthousiasme d'Obama "Président du Monde" (qui a fréquenté, plusieurs années, une école élémentaire non loin de là) ... bref, un tas de sujets abordés avec une liberté d'expression que j'ai plaisir à constater.
Après avoir quitté ses sympathiques personnes, nous prenons un rapide repas dans un restaurant voisin qui ne nous laisse guère de temps pour finir nos assiettes et nos verres afin de faire place nette : sont-ce les congés accordés pour les élections du lendemain qui les font s'activer de la sorte ?

PS : le titre  de l'article est un lien vers un nouvel album.

2 commentaires:

  1. Ce réseau familial et amical, quelle chance par rapport au touriste normal!

    Pour faciliter la lecture, ce serait peut-être intéressant de mettre quelque part une carte avec seulement les noms de quartiers, si un tel document existe. Pour ma part, je ne me souviens plus du tout de l'emplacement de Cikini.

    RépondreSupprimer
  2. Merci de tes commentaires, François, fidèle lecteur. J'ai rajouté un lien avec le plan de Jakarta (utile pour ceux qui connaissent déjà un peu cette immense ville).
    Le quartier de Cikini fait partie de Menteng, en face du CCF, de l'autre côté de Salemba, entre l'hôpital public (jl. Diponegoro) et le "marché aux voleurs" (jl. Surabaya)... si ça peut te permettre de te remémorer les lieux!
    A plus, Armel

    RépondreSupprimer