mercredi 24 février 2010

"Keluwesan" ou la grâce balinaise

Sommaire : Les Balinais ont sans conteste le sens artistique, "ils sont tombés dedans quand ils étaient petits" et vivent avec tout le long de leur vie ; la beauté, l'élégance, la grâce peuvent se rencontrer n'importe où, n'importe quand ... Pourvu que l'influence de la culture occidentale ne dénature pas tout ce qui a fait de "l'île des dieux" un paradis terrestre !
Nous verrons donc ici, sans album perso, une représentation de danses de Barong et de Keris à destination des touristes , mais aussi des rencontres amusantes et d'autres grâcieuses. La magie des rencontres, c'est tout le charme du voyage !


Venir à Bali sans assister à un spectacle de danse serait une faute de goût inconcevable ! Seulement voilà, il y a spectacle et spectacle ; comme il ne nous reste que deux jours à passer à Bali, nous n'avons guère de temps pour faire les difficiles ! Afin de satisfaire notre curiosité, nos hôtes nous ont indiqué un lieu où tous les jours se tiennent des représentations de danse de "barong" et danse de "keris" à dix heures le matin. Ce n'est pas très loin d'où nous logeons : il s'agit de "Catur Eka Budhi", jalan Wariban, quartier Kesiman à Denpasar.
Nous prenons notre temps en profitant du soleil matinal dans le jardin aux orchidées. Puis à 9h30, direction la salle de spectacle ; nous trouvons facilement et bizarrement, le parking est déjà bien rempli d'autocars et de voitures de location. Un "tukang parkir" nous fait signe d'activer. Arrivés au guichet, nous apprenons que la séance a débuté à 9h30 et que nous avons raté le début ! Là aussi, le prix d'entrée varie en fonction de la nationalité, les autochtones ayant droit à un tarif réduit... pourquoi pas !!!
Munis de nos tickets nous sommes poussés vers l'entrée de la salle. C'est une sorte de théâtre couvert, avec des gradins en arc de cercle face à la scène. Il y a pas mal de spectateurs, de toutes nationalités, munis d'appareils photo numériques ou de caméscopes ; nous trouvons de la place au milieu de la salle, légèrement en hauteur, presque face au spectacle.

A gauche, en retrait de la scène, les percussions du gamelan composé d'une douzaine de musiciens, rythment les évolutions chorégraphiques et théâtrales des artistes. Les costumes sont superbes, mais le spectacle manque d' authenticité, même si la prestation des acteurs reste honnête. On est dans l'industrie touristique plus que dans la représentation-offrande accompagnant chaque fête, avec le sens esthétique, la beauté, la ferveur, la connivence,  l'émotion, les rires, la participation active aux festivités des villageois... c'est de l'art traditionnel  plus lucratif que spirituel, synonyme d'entrée de devises : il faut bien vivre !


Je cesse là ces réflexions peu amènes pour revenir au spectacle. Nous avons  donc raté le début de la représentation ; elle se déroule sur une scène avec comme décor une porte de temple encadrée de deux ombrelles noir et or et par laquelle entrent et sortent les personnages (habituellement, ceci se passe en plein-air) et quelques plantes disposées çà et là. En prélude à la pièce, le tigre et son ami le singe occupent les lieux, puis suit une courte mais toujours élégante danse de "legong" ; la danse du barong et du kriss commence alors véritablement, racontant la coexistence du Bien et du Mal chère au monde balinais. 

Bien que je ne dispose pas de camescope, vous pouvez quand même vous faire une idée du spectacle auquel nous avons assisté en regardant une vidéo faite dans le même lieu par un autre couple de touristes. La musique et le mouvement ne peuvent être dissociés d'un spectacle de danse !

La représentation terminée, une hôtesse propose aux spectateurs qui le souhaitent de venir sur la scène faire une photo souvenir en compagnie du "barong" posé sur des tréteaux.
C'est un peu la ruée des familles et des couples qui ont choisi de graver leur image dans la mémoire de leur appareil photo numérique. Nous regardons amusés les gens de toutes nationalités prendre la pose et finissons par nous retrouver seuls, tous les deux face à l'hôtesse qui nous invite à faire comme les autres : nous acceptons de bonnes grâces !

Avant de reprendre la voiture, je m'aventure dans le bois voisin du théâtre pour m'approcher du petit temple que j'entrevois ; Tuti qui est restée sagement sur le parking me signale que je suis dans le cimetière !

Contrairement à ce qui se passe dans l'Hindouisme indien, "la crémation balinaise est une fête pour laquelle la famille du défunt engage des sommes très importantes. Parfois attend-on plusieurs décès pour grouper les cérémonies et partager les dépenses.
Dans l'attente d'une date favorable à la crémation, le corps est dans un premier temps inhumé.
L'âme, prisonnière de l'enveloppe charnelle du défunt, doit être libérée par le feu qui réduit la chair à la poussière originelle. Bali conjugue la religion hindoue avec un culte plus populaire, dit animiste. Du lever au coucher du soleil, le Balinais ne cesse de faire des offrandes aux forces qui gouvernent le monde, afin de le maintenir en harmonie et en équilibre. Lors de cette inhumation, le corps est soigneusement lavé afin de purifier les sens du mort, en vue d'une prochaine réincarnation plus belle, plus forte. Puisque le mort est momentanément confié à la terre, on adresse des offrandes aux forces du bas afin qu'elles le protègent dans cet intermède. On plante un bambou sur la tombe au niveau de la tête, pour permettre la circulation de l'esprit. Celui-ci continue d'errer dans le monde médian des humains, et, pour peu que l'y invitent des forces néfastes, il peut venir troubler les vivants."
 
Nous décidons de retourner au marché de Sukawati, à la recherche de vêtements légers et une statuette de cheval cabré pour rapporter à Eddy. En cours de route, arrêt à Celuk, centre de l'artisanat de l'argent. Chez le premier marchand, les prix sont affichés en dollars et la vendeuse nous propose d'emblée une réduction de 60% ; malgré cette offre commerciale, les tarifs ne semblent guère attrayants au regard de la marchandise exposée. La traversée de la localité offre une succession de magasins du même type, sans grand intérêt pour nous ; ils semblent tous aussi déserts les uns que les autres et on se demande comment ces commerces peuvent s'en sortir avec autant de concurrence alentour.

Nous poursuivons jusqu'à Sukawati : il y fait toujours aussi chaud. Nous sommes accueillis par les marchandes de travaux au crochet dès notre arrivée sur le parking ; elles empilent leur marchandise sur la tête dans un échaffaudage noir, blanc ou rose certes aéré mais qui doit tout de même leur tenir la tête  bien au chaud. Tuti farfouille dans les boutiques  de vêtements tandis que je trouve quelques charmants sujets à photographier. Puis, pour partir à la recherche du cheval de bois, nous devons pénétrer dans le hamam du marché couvert, véritable caverne d'Ali-Baba. Nous marchandons une statuette un peu poussiéreuse et ternie à laquelle le marchand s'empresse de donner une deuxième jeunesse en l'enduisant d'un mélange de cire et de pétrole, la faisant reluire en la frottant énergiquement avec un vieux chiffon. Pour l'emballage, une page de journal fera l'affaire.

Après avoir acquis l'objet de notre visite, nous quittons les lieux pour d'autres boutiques de sculptures, à Mas, le long de la route menant à Ubud. Ce qui me frappe le plus dans cette recherche d'objets originaux, c'est justement le manque d'originalité : que des copies à l'identique ! Sans doute faudrait-il explorer de manière plus investigatrice l'intérieur des localités pour trouver les artistes créateurs dignes de ce nom. L'après-midi se passe, de déception en déception, tant et si bien que Tuti ne sort même plus de la voiture et me laisse découvrir seul les "show-room" déserts... l'avantage, c'est que rien ne me tente et que le porte-monnaie ne s'en portera que mieux !

C'est la fin de journée et nous décidons d'aller nous restaurer au Warung Dewa, dans la rue Goutama à Ubud. L'une des deux grandes tables dispose de deux places libres à côté de trois couples de Japonais retraités terminant leur repas. Ils ont l'air de joyeuse humeur et au moment où l'un d'entre eux se lève pour aller régler l'addition, il s'arrête face à moi et m'adresse quelques mots ; j'ai du mal à comprendre, alors il reprend, en prenant à témoin ses compatriotes : "You, star movie, me dit-il... you play in Star War". Je dois avoir l'air complètement hébété tandis que ses amis approuvent tous par des "han, han" en opinant du bonnet. Finalement, pour montrer que j'ai compris, je simule quelques gestes d'une bataille au sabre-lazer ; ça les amuse beaucoup, mais je décline bien sûr toute participation aux films de George Lucas. Ils sortent remplis de bonne humeur et je les salue d'un "sayonara" venu d'ailleurs ; Tuti rigole et imagine que j'aurais peut-être mes chances pour un rôle dans une série C japonaise ! Va savoir !

De retour chez Anak Ayu, la visite d'une ancienne copine de lycée est annoncée ; la surprise c'est qu'elle ne vient pas seule. Madri arrive en compagnie de sa fille ; le contraste physique entre les deux est saisissant !
La maman est très bronzée, presque noire de peau, le visage buriné alors que sa fille est plutôt claire et très lisse. Les présentations faites, la discussion s'engage. Nous apprenons que Madri est propriétaire de nombreuses "sawah"  (rizières) et qu'elle n'est pas dans le besoin ; la couleur brune de sa peau, elle l'explique par le temps qu'elle passe à l'extérieur : elle se revendique paysanne ! Sa fille, Astari, âgée de 24 ans, semble beaucoup plus réservée. Elle a les traits si doux, avec les yeux délicatement bridés, légèrement allongés en amande, le nez droit et fin, les lèvres discrètement ourlées, les cheveux tirés en arrière en queue de cheval et une frange en biais sur le front qu'on la croirait tout droit sortie d'une oeuvre picturale : un modèle idéal ! Elle est toute en discrétion, pas timide, avec un sourire éclatant et renversant. Tout le monde a l'air séduit par cette beauté angélique. La mère est très fière de sa fille qui, selon elle, a heureusement hérité de son père pour l'aspect physique.
Suwirya, le mari d'Anak Ayu, l'interroge sur les études qu'elle vient de terminer : elle sera fonctionnaire dans l'administration ("korpri": Korps Pegawai negeri Republik Indonesia). Elle a aussi un fiancé qui doit lui aussi finir ses études et avec lequel elle ira s'installer à Lombok une fois mariés. Madri soupire : "C'est pas ma fille qui sera trop loin, c'est moi qui ne serai pas assez près !" La bonne humeur est de mise et l'on plaisante beaucoup sur la richesse supposée de Madri.
Nous nous rendons ensuite chez la soeur d'Anak Ayu qui habite deux maisons plus loin ; la conversation porte sur le nouveau gouverneur de Bali dont les intentions sont de tout chambouler dans l'administration de sa province, sur les transformations de Bali, sur les rizières de Madri... encore un accueil bien sympathique.

Nous retournons prendre le repas du soir chez Anak Ayu. En attendant de passer à table, nous regardons un match de foot à la télé : Jakarta contre Jawa Timur. On peut se rendre compte que le foot réunit ici aussi des joueurs originaires de tous les pays du Monde (Asiatiques, Brésiliens, Africains, Occidentaux). Autour du repas, on parle de l'évolution de la société balinaise, tournée vers le progrès mais encore très attachée à ses traditions séculaires. 
Ces familles modernes et aisées ne manqueraient pour rien au monde les nombreuses cérémonies qui rythment la vie balinaise.

J'ai le plaisir d'être assis en face de la jolie Astari dont les gestes délicats me rappellent ceux des danseuses de Legong ... grâce naturelle, sans maniérisme factice : beauté et douceur réunies !

La déesse Astari et Madri, son maternel ange gardien, finissent par disparaître dans la nuit, coiffées d'un casque à visière, chevauchant une petite Honda. Magie et charme des voyages ...
Faites de beaux rêves !...

5 commentaires:

  1. Coucou, c'est du "bla-bla" passionnant et je garde précieusement toutes ces informations imagées pour - qui sait - un voyage en Indonésie pendant que j'ai encore la "pêche"! Cela me rappelle tant de bons souvenirs...
    Apparemment, l'invasion touristique n'a pas réussi à détruire l'âme de Bali.
    Grosses bises, Annie.

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  2. Je m'évade avec le blog d'Armel !
    Il écrit vraiment bien, c'est enlevé, spirituel, et c'est un plaisir de le lire !
    Annie R. (mail tranféré)

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  3. Coucou Annie,
    ma soeurette m'ayant transféré le petit mot que tu lui as envoyé à propos de mon blog, je ne peux qu'être ravi que tu apprécies mes écrits ... c'est très encourageant pour moi et cela me motive un peu plus pour continuer.(...)
    (mail-réponse transféré)

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  4. j'apprécie beaucoup ce blog car je retrouve des sensations, émotions ressenties lors de mon voyage à Bali. Il est cependant normal que Bali change comme chaque pays face à la mondialisation.
    parions que l'île bénie des Dieux saura déjouer les pièges et garder la force de sa culture!

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  5. hi om armel... how are u???
    april 2009, and now is march 2010,long time no see, but all of the picture on ur blog
    remind me thats time, talking bout everything at tante anak ayu's home...

    really like it, saya yang tinggal di Bali saja sangat mengagumi setiap moment yang terekam kamera om armel. two thumbs up for ur story... setiap kata sangat mewakili keindahan Bali dan beberapa moment yang terlihat tanpa dosa...
    (......)
    Note : saya baca2 blog om dengan menggunakan google terjemahan,,,si belle.........
    Purnami Astari

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